La nécessité de se sentir en sécurité, physiquement et émotionnellement
Avertissement : j'aborde une tentative de viol et la peur des agressions sexuelles
« Est-ce que vous pourriez envisager une canne ? »
Je me suis réveillée un peu trop tôt avec cette phrase prononcée par le kiné jeudi dernier. Si d’habitude je parviens à laisser ces pensées exister avant qu’elles ne disparaissent d’elles-même, ce matin je n’y arrive pas, et je ne retrouve pas le sommeil. A 35 ans à peine, je pense à toutes les années de ma vingtaine, comme on est censée le faire un peu plus tard j’imagine. A tout ce que je n'ai pas fait, à ces projets, ces voyages, que je remettais de côté pour plus tard en ne sachant pas de quoi serait fait mon "plus tard". Je pense à l’insouciance que je n’ai plus.
Et maintenant. Comment vivre, comment voyager, mais surtout, comment me sentir en sécurité, maintenant que devant un trottoir je marque l’arrêt, que je me surprends à réfléchir pour savoir comment je vais procéder pour trouver mon appui, ou à renoncer s’il est trop haut ?
Comment sortir en me sentant libre ? L’esprit libre. Comment ne pas entrer dans ce cercle vicieux qui veut que moins je sors moins j’ai de force, et plus je sors moins j’ai envie de sortir ? Comment garder l’envie de me sentir jolie, de m’habiller comme je le veux si c’est précisément cette envie qui renforce le danger déjà omniprésent ?
Exister en tant que femme nous fait déjà perdre une partie de notre liberté et de notre indépendance, parce que c’est ce que veut la cohabitation avec les hommes dans l'espace public, dans les espaces “privés”, partout. Nous sommes en alerte partout, et cette sensation est inconnue des hommes blancs1, je parlais des phobies avec une amie récemment, et sa psy a comparé sa phobie à un état d’alerte permanent, car elle a peur de quelque chose de si courant, qu’au final c’est un peu comme si elle vivait dans un pays en guerre et qu’à chaque coin de rue une attaque pouvait survenir. Or l’étendue des violences sexuelles dans notre société ont crée une phobie collective, qui fait que dès que nous sortons de chez nous, notre esprit n’est par défaut jamais tout à fait libre.